En correspondance pour l’Institut d’Etudes Avancées (IEA) de Nantes
Anne Dubos est membre correspondant de l’IEA de Nantes. Les membres correspondants ont pour mission de promouvoir l’Institut, de susciter des candidatures et de contribuer à l’évaluation de celles qui parviennent à la direction de l’IEA.
Cf : Anne Dubos, IEA Nantes, fellow.
L’Institut d’études avancées de Nantes fut fondé en 2008, en s’inspirant du Institute for Advanced Study de Princeton (États-Unis) et du Wissenschaftskolleg de Berlin.
Il offre des séjours, jusqu’à 9 mois, à des promotions de chercheurs (de jeunes chercheurs post-doctoraux jusqu’à des chercheurs confirmés).
Depuis sa création, l’IEA de Nantes a inspiré le développement d’autres instituts à Paris, Lyon et Marseille, dans le cadre du Réseau français des instituts d’études avancées.
Les membres correspondants ont pour mission de promouvoir l’Institut, de susciter des candidatures et de contribuer à l’évaluation de celles qui parviennent à la direction de l’IEA.
Sonographies
À partir d’une collecte d’objets sonores prélevés sur les sentiers ou les lieux de mémoire Sonographies convoque les notions de paysage sonore, d’itinérance et de cartographie. Il s’agit d’y développer un processus de recherche sur la connaissance sonore des territoires. Selon l’agencement d’éléments théoriques, telles les notions de cosmophanie, d’acoustémologie ou d’ethnoscape, le terrain le projet prend la forme d’une enquête, d’ateliers de pratiques d’écoute et de promenades sonores. L’enjeu étant de constituer l’histoire d’un ensemble écologique où historiens, écologues, artistes de la performance, chanteuses, présidentes d’associations, habitants du plateau de troisième génération, primo-arrivants, réfugiés, exilés sont partis preneurs de l’enquête.
L’enjeu des Sonographies est avant tout de chercher à comprendre ce qui se joue dans une approche du monde par le son. Partant du constat que l’expérience sonore invite à une appréhension du monde qui se déploie sur le mode du doute comme de l’évocation, le régime de connaissance dans lequel l’écoute nous engage demande à composer avec l’indéterminé. D’éprouver plutôt que de prouver.
D’autre part, enregistrer un son, c’est donner à entendre la manière dont il se propage dans un espace. C’est prêter attention à l’écologie des relations des voix et des bruits qui peuplent un lieu. Aussi, placer le son au cœur de la réflexion sur les paysages, permet de faire un pas de côté vis-à-vis de la prédominance visuelle et d’explorer les autres territoires sensibles qui s’offrent à nous. Comment l’écoute permet-elle l’élargissent d’une certaine approche du réel ?
Cosmophanies
Cosmophanies se présente telle une recherche de la danse par la pratique. Le projet porte sur la tradition de la danse de l’Ours (Jocul Ursului), que l’on trouve dans le comté de Neamţ, en Moldavie Roumaine.
Il s’appuie sur la notion de cosmophanie développée par le géographe Augustin Berque, qui parle du paysage comme d’une trajection : d’une relation entre l’objet paysage et sa perception (Augustin Berque, Mésologiques, Nulle Part, 2014).
Du point de vue étymologique le mot cosmophanie fait référence au Cosmos grec qui désigne un monde clos régi par un ordre et au verbe φαίνω (phaïnò), qui signifie : « se manifester, apparaître, être évident ». La cosmophanie est donc la manière dont le monde apparaît à celui qui l’observe, tout en cherchant à se le représenter. Si à chaque individu correspond une manière de voir, la réalité manifestée ne s’attache pas tant à l’objet paysage, mais plutôt à l’acte de perception de l’environnement ;
il n’y a donc pas de paysage sans culture pour le décrire, le détailler ou le narrer.
Alors que je souhaite mettre en relation l’apparition de danse traditionnelle comme une performance dansée du paysage, le projet Cosmophanies se présente tel un voyage à travers les paysages de la Roumanie. Il s’agit de collecter des paysages sonores et visuels, afin de les rendre accessibles sous forme d’archive à qui s’intéresserait aux dernières forêts primaires d’une Europe agricole sans machines, comme à l’habitat de l’ours. Il s’agit également d’envisager de se voir jouer ensemble, sur scène, les matériaux de l’enquête.
des_gestes_augmentés
À partir d’une collecte de gestes et de sons (des soundscapes aux sons iconiques de notre modernité) le projet des gestes augmentés est de mettre en jeu les ambiances sonores, ce projet s’installe à la croisé des savoirs faire et des questionnement.
Recherche pour la création d’outils scénographiques et narratifs technologiques, il génère la collecte de matériaux sonores et chorégraphiques, d’histoires de vie et de techniques de jeux.
Composé d’ateliers de recherche expérimentale, fondé sur une pratique trans-disciplinaire, le projet regroupe plusieurs partenaires dont : La compagnie Little Heart Movement, Frédéric Bevilacqua, directeur de l’ISMM de l’IRCAM à Paris, Jan Schacher, chercheur à la Haute Ecole des Arts de Zurich.
L’enjeu étant de jouer collectivement des paysages sonores au sein d’un dispositif sonore numérique et immersif.
La Gestothèque
La Gestothèque se compose de catalogues de gestes collectés à travers ma pratique d’artiste chorégraphe. Elle se compose de photographies, des dessins, des collections d’images, des vidéos, des textes mais aussi dune série d’interviews d’experts du geste, provenant de différentes disciplines (chant, danse, chorégraphie, anthropologie de la communication, physique, biomécanique, musique électronique).
La Gestothèque, Anne Dubos, 2018.
Pour son lancement, en 2015, elle fut l’invitée de l’ENSCI-Les Ateliers sous forme d’un séminaire de recherche : Indian Gestothèque.
Depuis 2016, elle est intégrée par l’IRCAM sur le projet CoSiMA et CoMo, pour le projet SmartMove.
En 2017, La Gestothèque était invitée par l’Ambassade de France en Inde, pour une série d’ateliers sur la question du gesture design (Tata Institute for Social Sciences, Bombay, IIT Bombay, Ubi Soft Pune). Cette part de la recherche a donné lieu à plusieurs publications.Elle a depuis lors donné lieu au projet de pédagogie par le mouvement : LeMon (Learning by Moving).
Cartographie des domaines de recherche
Depuis le début de ma pratique de recherche, je trace des cartes mentales de l’évolution de ma pensée.
Des cartes qui me servent ensuite à me retrouver, lorsque je me suis égarée dans l’un des fameux “rabbit hole” d’Alice in Wonderland.
Dans la mesure où je défends et reprends le point de vue de Donna Harraway sur la question des savoirs situés, j’essaie chaque fois de représenter les origines des domaines impliqués dans la taxonomie. Ainsi est né le projet de La Gestothèque en 2015.
Habitabilités
Deux mois après ma soutenance de thèse, je fus recrutée comme chercheur post-doc par l’ANR TerrHab et le laboratoire de Sciences Sociales PACTE, de Grenoble. Il s’agissait de produire une analyse comparative des pratiques récréatives entre la pente du Vercors et les Coteaux du Jurançon. En vue d’articuler une théorie de l’habité mobile, j’y ai développé les notions d’intensitométrie, relative aux travaux d’Albert Piette et de ludopaysage relative aux écrits d’Augustin Berque sur la cosmophanie.
Je m’inspirai également de la théorie des –scapes d’Arjun Appadurai, la combinant à la proposition d’une géographie temporelle (Time Geography) de Sonia Chardonnel.
Le travail sur les Habitabilités se décline aujourd’hui sous le titre de Cosmophanies et Sonographies.
Quelle voix pour le théâtre ?
Fabrication des corps et des identités. Pour une étude du mouvement dans les théâtres contemporains au Kérala
La complexité de la construction de l’objet « théâtre contemporain au Kerala » relève du fait que d’une troupe à l’autre, les metteurs en scène font usage des éléments traditionnels ou contemporains selon des modalités différentes.
D’où ma question initiale : Quelle voix pour quel théâtre ? qui parle à travers quels corps ? Alors que nombreux sont désormais les festivals où événements qui réunissent praticiens ou amateurs de théâtre, dont la pratique s’assume aujourd’hui comme contemporaine, c’est toute la tension entre la pratique des arts traditionnels et celle des arts contemporains qui s’exprime à travers la politique culturelle locale.
À travers le discours des spécialistes, assiste-t-on à une entreprise de légitimation culturelle ou à l’émergence d’un genre artistique nouveau ? Car une fois les notions de « tradition » et d’ « authenticité » posées en relation dialectique à celles de « modernité » et de « globalisation », les revendications des praticiens du théâtre contemporain peuvent, soit relever d’une quête de nouvelles valeurs ou référence culturelle, soit s’inscrire en droite ligne d’un discours identitaire.
Sur la base de trois monographies comparatives du travail de trois compagnies, j’ai cherché à entrer dans le cœur du problème de la transmission des traditions gestuelles à travers les différentes traditions dramaturgiques du Kérala. Apercevoir les nouvelles pratiques théâtrales comme des « arts de faire » décrits par le travail de Certeau, me permet d’entrevoir les arts de la scène comme une mise en pratique de l’art narratif, où la construction de soi se fait par un discours, qui n’est pas essentiellement verbal mais se constitue également par des signes matériels (techniques du corps, scénographie, musique…).
Thèse préparée sous la direction de M. Jean-Claude Galey, et soutenue le 10 janvier 2013, devant un jury composé de Mme Lyne Bansat-Boudon (directeur d’études, EPHE, Ve section), M. Jean-Claude Galey (directeur d’études, EHESS ; directeur de la thèse), M. Bernard Müller (IRIS, EHESS), M. Albert Piette (Professeur, Université de Nanterre), M. Denis Vidal (Directeur de recherche, IRD).
“Au cours de ma recherche de doctorat, je me suis intéressée à l’évolution de la pratique théâtrale de l’Inde du Sud (au Kérala en particulier). J’ai voulu comprendre comment le théâtre était devenu contemporain. Je me suis donc penchée sur les modalités de transformation du geste technique au sein de diverses pratiques d’acteurs. Je voulais savoir si l’on pouvait observer une mutation du geste, qui ferait que certains seraient plus évolués que d’autres ; et donc plus proches de nos dits arts contemporains. Je cherchais par là, à dénoncer certains travers des politiques culturelles encore à l’oeuvre, qui fâcheusement, continue de faire usage du terme de primitif lorsqu’ils parlent de traditions millénaires.