Quelle Voix pour Quel Théâtre ?
Fabrication des corps et des identités
Pour une étude du mouvement dans les théâtres contemporains au Kérala
Thèse préparée sous la direction de M. Jean-Claude Galey, et soutenue le 10 janvier 2013, devant un jury composé de Mme Lyne Bansat-Boudon (directeur d’études, EPHE, Ve section), M. Jean-Claude Galey (directeur d’études, EHESS ; directeur de la thèse), M. Bernard Müller (IRIS, EHESS), M. Albert Piette (Professeur, Université de Nanterre), M. Denis Vidal (Directeur de recherche, IRD).
RÉSUMÉ
La complexité de la construction de l’objet « théâtre contemporain au Kerala » relève du fait que d’une troupe à l’autre, les metteurs en scène font usage des éléments traditionnels ou contemporains selon des modalités différentes. D’où ma question initiale : Quelle voix pour quel théâtre ? qui parle à travers quels corps ?
Alors que nombreux sont désormais les festivals où événements qui réunissent praticiens ou amateurs de théâtre, dont la pratique s’assume aujourd’hui comme contemporaine, c’est toute la tension entre la pratique des arts traditionnels et celle des arts contemporains qui s’exprime à travers la politique culturelle locale (Tarabout, 1997).
A travers le discours des spécialistes, assiste-t-on à une entreprise de légitimation culturelle ou à l’émergence d’un genre artistique nouveau ? Car une fois les notions de « tradition » et d’ « authenticité » posées en relation dialectique à celles de « modernité » et de « globalisation », les revendications des praticiens du théâtre contemporain peuvent, soit relever d’une quête de nouvelles valeurs ou référence culturelle, soit s’inscrire en droite ligne d’un discours identitaire.
Sur la base de trois monographies comparatives, à partir du travail de trois troupes, j’ai cherché à entrer dans le cœur du problème de la transmission des traditions gestuelles à travers les différentes traditions dramaturgiques du Kérala.
Apercevoir les nouvelles pratiques théâtrales comme des « arts de faire » décrits par le travail de Certeau, me permet d’entrevoir les arts de la scène comme une mise en pratique de l’art narratif, où la construction de soi se fait par un discours, qui n’est pas essentiellement verbal mais se constitue également par des signes matériels (techniques du corps, scénographie, musique…).
Which Voice For Which Theatre ? Shaping bodies and Identities,
for a movement studies in contemporary theatre in Kerala (South India). EHESS (Paris), 2013, 909 p.
Anne Dubos, PhD thesis in Social Anthropology defended on the 10th of January 2013 at Ecole des Hautes Etutes (EHESS), Paris, France.
Members of the jury
Lyne-Bansat Boudon, Directeur d’Etudes, EPHE, Vth section. Jean-Claude Galey, PhD supervisor, Directeur d’Etudes EHESS, CNRS. Albert Piette, Professor of Anthropology, Université Paris 10. Denis Vidal, Directeur de Recherche, IRD. Bernard Mûller, Research Scientist, IRIS, EHESS.
ABSTRACT
Performing arts are an integral part of malayalee culture and malayalee identity. Nearly all of the existing study is focused on classical and folk forms, such as Kathakali and Theyyam, however there is a serious gap in our understanding of contemporary theater in Kerala.
Contemporary theater can be thought as a kind of “hybrid cultural product”, existing between traditional and modern forms; it refers both to the Natyashastra, as well as the modern contributions of figures such as Grotowski and Stanislavski. This research aims to trace new theatrical practices and scenographic techniques that have developed from the interplay of a local “native” theater and contemporary performance aesthetics.
To get an overview of contemporary malayalee productions, the fieldwork examined several theater groups, by way of participatory observation, including: Lokadharmi in Cochin, Sopanam and Abhinaya in Trivandrum, and the Thrissur School of Drama.
The differences in the motivations of these groups (regarding issues such as caste, class and gender) illustrate new paradigms that are at the core of local discourse on culture. Is there an invention of tradition? In this vein, we examine the dynamism of local cultural production and consumption.
Since the way one moves can inscribe one’s identity, we have to examine the elaboration of a body language. The body will be questioned, first, as the simple body of the performer.
The extensive video and photographic work, while serving to document the productions of the theater groups, also became the source of some participatory experimentation. For example, the video projects allowed the performers to experiment with their own image and, in turn, integrate these creations into the scenographic design. The reflexive use of image taking made for a unique exchange of ideas between observer and performer.
Extraits du rapport de soutenance
LBB en veut pour exemple la détermination, couronnée de succès, de la candidate à mettre en réseau, en quelque sorte, les différentes troupes auxquelles elle a rendu visite, en leur donnant à voir les recherches et les accomplissements des groupes précédemment rencontrés.
Sans le savoir peut-être, A. D. a fait plus que mettre en pratique le principe de l’observation participante, qui est l’une des options ouvertes à l’anthropologue.
(...)
À partir de planches chronophotographiques, elle présente l’improvisation comme se tenant entre prédétermination et spontanéité.
À partir de planches contacts, elle fait une analyse prodigieuse des gestes hésitants des enfants selon une description associant une très rare précision et une lisibilité très agréable, pour distinguer la part codée, socialisée et la part idiosyncrasique dans le mouvement.
Anne Dubos développe également une réflexion épistémologique et théorique sur ce qu’elle nomme l’ « anthropologie expérimentale » confirmant sa maturité philosophique et anthropologique, son talent d’écriture et surtout son extrême sensibilité au monde et aux autres.
Albert Piette réaffirme sa proximité avec le thème d’Anne Dubos mais aussi avec la façon détaillée avec laquelle elle a travaillé. Il fait remarquer qu’Anne Dubos veut décrire le mouvement, le décomposer, le décortiquer. Décomposer et décrire la vie, l’effet de passage du temps fait de durées, de rencontres, de circulations, de passations, de différences, de répétitions, de continuités et de discontinuités.
Le « en train » de se faire devient ici un « en train » de se micro-faire.