DEVENIR ANIMALE

Projet au travail, avec le soutien de la Commune de Saint-Julien-Molin-Molette et l’association Little H

Devenir Animale propose l’écriture d’une recherche par la pratique pour une pièce chorégraphique augmentée. Il engage d’abord une recherche ethnographique, sous forme d’une archive des paysages des vieilles forêts d’Europe.L’écriture du projet propose ensuite une chorégraphie augmentée, produite à partir d’une mise en relation des images et des sons collectés dans le pays d’accueil de la résidence. La recherche par la pratique de la danse interroge ensuite la mutation des environnements, des natures sauvages comme des frontières entre l’animal et l’homme. 

Note d’intention

Au niveau abstrait, il s’agit d’une histoire de la perception.
L’écologie d’une manifestation de soi, à travers l’exploration des paysages. Des paysages sonores ou visuels.

J’utilise pour les décrire des textes, des chansons, des poèmes, des vidéos, des photographies, des enregistrements sonores.

Je pars du postulat qu’au coeur des villes, l’on trouve encore les reliquats, des traces des cultes aux esprits animaux, aux âmes de la forêt.

Il y a d’un côté, les technologies mobiles, qui font que nous sommes assis malgré nous, car il nous faut désormais : une table, une chaise, un écran pour inscire (encoder) des données, pour les transmettre ailleurs. Et l’usage de ces technologies entraîne ou apporte avec lui de nouveaux rites d’asservissement (Nova, Curios Rituals).

Nous voilà seuls au coeur du dispositif. Seuls mais ensemble, enchaînés par les mêmes fils de la technocratie. Nous nous asseyons ensemble aux mêmes tables des cafés, des bibliothèques, des salles d’études pour appartenir à un genre commun : une humanité du digital labor, une humanité contrainte par des conventions dont nous croyons inventer les codes mais dont nous ne savons nous libérer.

Puis il y a de l’autre côté, le mouvement des corps. Le flou, la mobilité. La vie. Le souffle-mouvement qui rappelle à nos consciences comme à nos chairs, la profondeur de nos souvenirs sauvages, libres et insoumis.

À l’été 2019, alors que la forêt amazonienne brûle, je m’interroge, comme bon nombre de mes contemporains, sur le paradigme de sa disparition. Quelle est cette énigme de l’humanité qui en vient à détruire son environnement primaire ? Et dans le but de s’en constituer un autre : un environnement médié, médiatisé, confortable ?

Bien sûr, il faut reconnaître dans ce penchant de la destruction, une certaine pulsion cachée de contrôle. Il s’agit d’organiser l’environnement. De se protéger non seulement des bêtes féroces, loups, ours, lions, crocodiles, requins, pour lesquels nous ne représentons jamais quatre chose que de la nourriture. L’ethnographe Plumwood raconte que lorsqu’elle se fait dévorer par un crocodile, elle re-découvre cette première évidence que l’himme est au coeur de la nature et malgré toutes nos constructions mentales, nos dispositifs sociaux, nous faisons bien partie de la chaîne alimentaire.

Depuis Manhattan, je ne peux m’empêcher de penser les grands espaces qui nous séparent du Canada. La terre sacrée des Indiens. On la sent qui gît tout près de l’occupation des Yankees, assis dans des cafés, connectés à l’autre bout du monde, en correspondance à d’autres âmes, tout aussi esseulées qu’elles-mêmes.

Cosmophanies, je pense dernièrement à ce rite de la danse de l’ours que je découvre à Omanesti, en Roumanie. Puis je découvre qu’il en existe d’autres, des cultes aux ours, partout à travers le monde on célèbre sa puissance, sa beauté. Dans les Pyrénnées, en Chine, au Japon. Je l’avais déjà rencontrée lors dans les cultures de l’Aurignacien, lors de ma recherche sur la grotte Chauvet ; on y trouve des crânes d’ours sans dents, ou encore, des dessins de l’ours anciens de 30 000 ans. 

Alors, cette relation au sauvage, aux ours, aux paysages, me fait réfléchir à la nature sauvage de notre humanité.

Comment cohabitons-nous avec notre part sauvage ? Quels sont les signes de notre animalité qui transpirent, aussi bien au sein de nos cultures que de nos villes ? Puis à l’inverse je me demande : quel est le devenir sauvage ? Est-il nécessairement humain ?


* Nota Bene 

Becoming Animal est issu du fruit d’un long travail de recherche et de création par la pratique, initié en 2015, d’abord avec les projets de recherche CoSiMa 2015, et CoMo 2016, avec l’IRCAM. Puis à travers une série d’ateliers de recherche par la pratique nommée Gesture Design entre l’IRCAM et l’ENSCI-Les Ateliers entre 2016 et 2018 et l’ICST (Haute École des arts de Zurich). Cette recherche s’est vue implémentée pour la scène augmentée sous diverses formes et performances augmentées
– Rock Arts Rocks Me (2015 – 2018)
– FLOCS, 2016,
– des_gestes_augmentés, 2018,
– Urban Delta-Scapes, 2019,
– LabDays du réseau Mova (2017-2022).
– Cosmophanies (2021/22), sponsorisé par l’Institut Français, la saisons interculturelle France-Roumanie.